Un "trafic de déchets en bande organisée" : le maire de Vaugneray a été mis en examen

À Vaugneray, les champs se transforment en taupinières géantes. Depuis plusieurs années, riverains et associations dénoncent les dépôts de terres de chantier illégaux sur les parcelles agricoles. Le maire de la commune ainsi que six chefs d'entreprise et agriculteurs viennent d'être mis en examen pour ce trafic de déchets en bande organisée.

Un va et vient de tracteurs et de remorques. Des mètres de cubes de gravats et de terre. Sur les Coteaux du Lyonnais, Maurice Fisch assiste au ballet des engins, impuissant, depuis des années. “On nous dit que c’est pour soutenir l’agriculture locale, que les terrains ici sont trop rocailleux et qu’il faut les recouvrir de terre pour les rendre fertiles, mon œil”. Le militant dénonce un trafic de terre illégal, “les bandits qui y participent sont prêts à tout. J’ai alerté les médias, les élus, les autorités, et toujours rien...”.  

Le maire de Vaugneray mis en examen 

Mais la semaine dernière, le parquet de Lyon a mis en examen le maire DVD de la commune, Daniel Jullien, ainsi que six chefs d'entreprise et des agriculteurs. Ils sont soupçonnés d’avoir organisé “le déversement de plus de 180 000 m3 de déchets de chantiers du bâtiment et des travaux publics dans des décharges illégales”, a indiqué le parquet. Un "trafic de déchets en bande organisée" qui impliquerait des promoteurs immobiliers, des entreprises de terrassement et de transports, des agriculteurs et propriétaires fonciers.  

Cette terre est parfois très caillouteuse, elle contient du plastique, de la ferraille, du béton” confirme Maurice Fisch, qui fait partie de l’association de Sauvegarde des Coteaux du Lyonnais. Il y a un an, il avait déposé plainte contre le maire de Vaugneray, par ailleurs conseiller départemental délégué à l'eau et à l'irrigation, pour exhaussements et affouillements non autorisés. “Je n’ai rien de personnel contre le maire, mon but, c’est que ça s’arrête. Il y a un registre de traçabilité des terres excavées, tout le monde fait comme si cela n’existait pas. Il faut l’appliquer !”. L’édile est aujourd’hui poursuivi pour “prise illégale d’intérêts par un élu public”. Le parquet ajoute qu’il est soupçonné d’avoir pu favoriser et faciliter la commission de faits.  

Un danger pour la biodiversité

Daniel Jullien avait fait voter, en mars 2022, une charte de dépôt des terres à vocation agricole, dans le but d’assainir cette pratique, c’est-à-dire de permettre aux agriculteurs de prendre quelques mètres cubes de terres sur un chantier pour aplanir leurs parcelles. Certains l’ont fait, de manière tout à fait honnête. Mais chez d’autres, ça ne s’arrêtait pas, on arrivait à 5000, 10 000 et même 20 000 m3 de terres récupérées sur un chantier...”, dénonce encore le militant.

Un laisser-faire que les élus de l’opposition dénoncent aussi depuis longtemps. “On assistait à ses remblais de plus en plus nombreux, et le maire n’a jamais rien fait. Un agriculteur a été condamné en 2021 pour exercice illégal dans le cadre de ces exhaussements de terre, il a continué, et Daniel Jullien a laissé faire”, s’indigne Roland Badoil, conseiller municipal d’opposition.

Et une pratique illégale dangereuse pour la biodiversité. “Rendez-vous compte, on a des champs entiers ensevelis sous deux mètres de terre, quand ce n'est pas dix”, s'indigne Maurice Fisch. Les riverains décrivent également des coulées de boues par temps de pluie, qui finissent par atteindre les nombreux petits cours d'eau du secteur.

Une enquête confiée aux gendarmes de l'environnement

En mai dernier, une information judiciaire a été ouverte et les investigations ont été menées par les enquêteurs de l’Office Central de Lutte contre les Atteintes à l’Environnement et à la Santé Publique (OCLAESP), une cellule de la gendarmerie nationale spécialisée dans les délits concernant l’environnement et la santé publique.

En juillet, ses enquêteurs s’étaient présentés à la mairie de Vaugneray pour perquisitionner certains documents et avaient posé des scellés sur des engins servant aux travaux de remblai sur une exploitation agricole du hameau du Martin.

Joint par téléphone ce matin, Daniel Jullien refuse de commenter. “Je n’en dirai pas plus, je ne suis pas en possession du dossier, je vais donc rester silencieux sur le sujet”.

Les six autres personnes ont été placées sous contrôle judiciaire. Certains ont également été mis en examen des chefs "d'abandon ou dépôt de déchets par leur producteur ou détenteur en bande organisée, faux et usage de faux, atteinte illicite en bande organisée à la conservation d'une espèce animale protégée ou à son habitat, infractions en matière de conservation de l'habitat d'espèces protégées et blanchiment". 

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